MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR
Paris le 28 NOV. 2012
Objet : Conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Résumé : La présence circulaire a pour objet de rappeler et de préciser les critères permettant d’apprécier une demande d’admission au séjour des ressortissants étrangers en situation irrégulière en vue de leur délivrer un titre de séjour portant soit la mention « vie privée et familiale » soit « salarié » ou « travailleur temporaire ».
Mots clés :
Admission exceptionnelle au séjour – étrangers en situation irrégulière – vie privée et familiale – salarié – travailleur temporaire – motifs exceptionnels – considérations humanitaire.
Textes de références :
Articles L.311-13, L.313-7, L.313-10, L.313-11 7°, L.312-1, L.312-2, L.313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Textes abrogés :
- Circulaire du 24 novembre 2009 relative à la délivrance de cartes de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » au titre de l’admission exceptionnelle au séjour (article L.313-14 du CESEDA, dans sa rédaction issue de l’article 40 de la loi du 20 novembre 2007) (NOR : IMIK0900092C)
- Circulaire du 8 février 2008 relative à l’admission exceptionnelle au séjour des étrangers par le travail (NOR : IMI/G/08/00019/C)
- Circulaire du 16 octobre 2007 relative à la détention d’un visa de long séjour avant le regroupement familial (NOR IMI10700007C)
- Circulaire du 31 octobre 2005 relative aux conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (NOR : INTD0500097C)
- Le I, le 1) du 2 et le 3 du II et le III de la circulaire du 30 octobre 2004 relative aux conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée (NOR : INTD0400134C)
- ADRESSE POSTALE : PLACE BEAUVAU 75800 PARIS CEDEX 08 – STANDARD 01.49.27.49.27 – 01.40.07.60.60
- ADRESSE INTERNET : www.interieur.gouv.fr
- Le 2.2.1, le 2.2.4 et le 3.3 de la circulaire du 19 décembre 2002 relative aux conditions d’application de la loi n°98-349 du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France (NOR : INTD0200215C)
La promotion d’une politique d’immigration lucide et équilibrée est une condition essentielle de la réussite des dispositifs d’accueil et d’intégration des étrangers admis à séjourner durablement en France. Dans ce cadre, si la lutte contre l’immigration irrégulière, et en particulier contre les filières criminelles, constitue une priorité du Gouvernement, l’admission exceptionnelle au séjour permet, dans le cadre fixé par la loi, une juste prise en compte de certaines réalités humaines.
Ainsi, les demandes des étrangers en situation irrégulière qui sollicitent une admission exceptionnelle au séjour doivent faire l’objet d’un examen approfondi, objectif et individualisé sur la base des dispositions des article L.313-11 7° et L.313-14 du CESEDA en tenant compte notamment de leur intégration dans la société française, de leur connaissance des valeurs de la République et de la maîtrise de la langue française.
A cet effet, la présente circulaire rappelle et clarifie les principes qui régissent les modalités de réception et de traitement des demandes d’admission exceptionnelle au séjour et précise les critères d’admission au séjour sur la base desquels vous pourrez fonder vos décisions. Elle est destinée à vous éclairer dans l’application de la loi et dans l’exercice du pouvoir d’appréciation qui vous est reconnu par la législation.
Afin que vous puissiez disposer du temps nécessaire à la prise ne compte des présentes instructions dans l’organisation de vos services et pour l’information du public, l’entrée en vigueur de cette circulaire est fixée au 3 décembre 2012.
- La réception et l’instruction des dossiers
Les conditions dans lesquelles s’effectuent la réception et le réexamen des demandes de titres de séjour doivent répondre au double objectif d’efficacité administrative et de préservation des droits et garanties procédurales offerts aux ressortissants étrangers.
1.1 Les principes de réception des dossiers
Vous veillerez à ce que vos services réceptionnent systématiquement les demandes d’admission au séjour formulées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, y compris lorsqu’elles ont fait l’objet d’une décision de refus de séjour suivie, le cas échéant, d’une obligation de quitter le territoire, même lorsque ces décisions ont été confirmées par le juge.
1.2 La vérification de la qualité formelle des dossiers
Afin de vérifier la complétude des dossiers, vos services s’appuieront sur les fiches méthodologiques du Guide de l’agent d’accueil des ressortissants étrangers en préfectures relatives à l’admission exceptionnelle au séjour.
Lorsque les demandes d’admission au séjour font l’objet d’un dépôt groupé, elles ne sauraient se limiter à la communication d’une liste de noms. Vous exigerez en conséquence qu’elles soient impérativement accompagnées de l’ensemble des pièces du dossier pour être examinées dans les meilleures conditions et dans des délais raisonnables.
En principe, seules les demandes des personnes qui justifient d’un domicile effectif dans votre département doivent être enregistrées et instruites. Dans ce cadre, vous pourrez prendre en compte la domiciliation des étrangers pris en charge et hébergés effectivement par des associations agréées.
Si la première analyse des situations soumises révèle que certains étrangers ont déjà déposé des demandes auprès d’une autre préfecture et sont connus de l’application AGDREF, il vous appartient de vous assurer qu’ils sont désormais effectivement domiciliés dans votre département. A défaut, vous les inviterez à déposer une demande de réexamen auprès de la préfecture de leur lieu de domicile.
1.3 La prise en compte des demandes de réexamen des dossiers
Les demandes d’admission au séjour ayant préalablement fait l’objet d’un refus de votre part avant l’entrée en vigueur de la présente circulaire, et quelle que soit l’ancienneté de votre décision, devront faire l’objet, au stade de la réception des dossiers, d’une première vérification au regard des critères établis ci-après, notamment des conditions de durée et de stabilité de la résidence habituelle en France dont peut se prévaloir le demandeur, ainsi que de ses attaches personnelles et familiales.
Il ne s’agit cependant pas de consacrer un droit général et absolu au réexamen de situations qui se traduirait, notamment, par le report systématique de l’exécution des mesures d’éloignement prononcées à l’encontre des intéressés. Ainsi, vos services inviteront les intéressés, à accompagner leur dossier d’éléments d’information suffisants (nom, adresse, justificatifs de motifs d’admission au séjour) de nature à permettre d’identifier les démarches manifestement abusives, considérées comme un détournement de procédure à caractère dilatoire, effectuées dans l’unique vue de faire échec à une mesure d’éloignement exécutoire.
1.4 L’inscription dans AGDREF et la délivrance du récépissé
En cas de primo-demande comme de demande de réexamen, dès lors que l’examen des dossiers à la lumière des critères établis ci-après aura été positif, vos services enregistreront la demande dans l’application AGDREF. Un récépissé d’une durée de 4 mois sera alors délivré. Sauf situation particulière, vous ne procéderez qu’à un seul renouvellement du récépissé.
1.5 Élément d’organisation et d’accueil
Vous êtes invités, afin de faire face à l’éventuel afflux des demandeurs aux guichets des préfectures dans les premiers mois d’application de la présente circulaire et de faciliter le traitement efficient de ces dossiers par vos services, à :
- mettre en place, par tous moyens adaptés, une information au public rappelant les critères d’examen des demandes d’admission exceptionnelle au séjour et précisant les pièces justificatives à produire ;
- privilégier une procédure spécifique d’accueil de ces demandeurs permettant aux services de s’assurer qu’ils disposent de toutes les pièces nécessaires à l’instruction des demandes, limitant autant que possible une pression sur les guichets d’accueil qui s’établirait au détriment des autres usagers du service des étrangers ;
- développer un dispositif de convocation adapté pour le retrait du titre (pour mémoire, seule une présentation personnelle en préfecture permet la remise d’un titre de séjour).
Afin de limiter l’accroissement de la charge de travail de vos collaborateurs lors de la mise en œuvre de la circulaire, j’ai demandé au secrétaire général du ministère, responsable du programme « administration territoriale », de vous autoriser à recourir à des vacataires ainsi qu’à des heures supplémentaires.
En outre, le plan d’action pour l’amélioration des conditions d’accueil des ressortissants étrangers en préfecture comprendra des préconisations opérationnelles qui vous seront notamment utiles pour le traitement des demandes liées à la mise en œuvre de la présente instruction.
- Les critères d’admission exceptionnelle au séjour
Je vous rappelle que sont exclus du bénéfice de la présente circulaire les étrangers dont la présence en France constituerait une menace à l’ordre public ou qui se trouveraient en situation de polygamie sur le territoire national.
2.1 La délivrance d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale »
Je vous rappelle que vous devez faire application, dans le traitement de la situation des étrangers signataires d’un pacte civil de solidarité, des orientations mentionnées dans la circulaire du 30 octobre 2004 relative aux conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée.
2.1.1 – Les parents d’enfants scolarisés
Les attaches familiales se caractérisent essentiellement par des liens filiaux ou conjugaux (mariage, concubinage, pacte civil de solidarité) qui permettent un ancrage territorial durable et véritable en France. Aussi, une vie familiale établie en France nécessite-t-elle en principe que l’un des membres du couple soit en situation régulière.
Toutefois, lorsqu’un ou plusieurs de leurs enfants sont scolarisés, la circonstance que les deux parents se trouvent en situation irrégulière peut ne pas faire obstacle à leur admission au séjour.
Il conviendra, pour apprécier une demande émanant d’un ou des parents d’un enfant scolarisé en France, de prendre en considération les critères cumulatifs suivants ;
- une vie familiale caractérisée par une installation durable du demandeur sur le territoire français, qui ne pourra être qu’exceptionnellement inférieure à cinq ans ;
- une scolarisation en cours à la date du dépôt de la demande d’admission au séjour d’au moins un des enfants depuis au moins trois ans, y compris en école maternelle ;
Par ailleurs, lorsque le demandeur est séparé de l’autre parent de l’enfant, l’intéressé doit établir contribuer effectivement à l’entretien et l’éducation de l’enfant, ces éléments étant présumés en cas de vie commune.
Au titre de l’article L.313-11 7° du CESEDA, la vie privée et familiale s’apprécie au regard de la réalité des liens personnels et familiaux établis en France par les intéressés, de leur ancienneté, de leur intensité et de leur stabilité. Elle implique aussi une bonne capacité d’insertion dans la société française, ce qui suppose, sauf cas exceptionnels, une maîtrise orale au moins élémentaire de la langue française (maîtrise qui pourra être appréciée au moment de la remise du récépissé).
2.1.2 – Les conjoints d’étrangers en situation régulière
Par dérogation à la procédure de regroupement familial qui repose sur l’introduction à partir d’un pays tiers de l’étranger souhaitant rejoindre son conjoint en situation régulière et attestant de conditions de ressources et de logement minimales, et dans le respect de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, il convient d’examiner les demandes d’admission au séjour de personnes dont le conjoint étranger séjourne régulièrement en France.
Le droit au respect de la vie privée et familiale de ces personnes doit vous conduire à apprécier si elles peuvent se prévaloir d’une vie privée et familiale sur le territoire français suffisamment stable, ancienne et intense au point qu’une décision de refus serait de nature à porter à ce droit une atteinte disproportionnée (cf. CE 7 février 2003, n°238712, M. A. ; CAA de Lyon, 13 juillet 2012, n°11LY02957, Mme A. ). A cet égard, de manière indicative, une durée de cinq ans de présence en France et une durée de 18 mois de vie commune du couple peuvent constituer des critères d’appréciation pertinentes.
Vous prendrez en compte dans votre appréciation les conditions d’existence et l’insertion des intéressés en application de l’article L.313-11 7° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Vous appréciez aussi le critère d’insertion par la maîtrise élémentaire de la langue dans les conditions prévues ci-dessus.
2.1.3 – Les mineurs devenus majeurs
Les présentes dispositions ont vocation à prendre en considération des situations n’entrant pas dans le cadre du dispositif prévu à l’article L.313-11 2° du CESEDA.
Vous veillerez à procéder à un examen particulièrement attentif, dans le cadre des dispositions de l’article L.313-11 7° du CESEDA, s’agissant des étrangers entrés mineurs en France pour rejoindre leur famille proche et qui, une fois parvenus à leur majorité, sont exclus de tout droit au séjour.
Le public visé est celui pouvant justifier, d’une part, d’au moins deux ans de présence en France à la date de leur dix-huitième anniversaire et, d’autre part, d’un parcours scolaire assidu et sérieux (ce dernier critère étant régulièrement retenu par la jurisprudence ( CE 29 décembre 2004 n°264286, M. A., CAA de Nantes 11 mai 2012 n°10NT01171, M.K.).
Vous apprécierez notamment la stabilité et l’intensité des liens développés par le jeune majeur sur le sol français en tenant compte, selon les circonstances propres à chaque cas, du fait que l’essentiel de ses liens privés ou familiaux se trouvent en France et non dans son pays d’origine et qu’il est à la charge effective de la cellule familiale en France. La régularité du séjour d’un des parents du mineur devenu majeur constituera un élément d’appréciation favorable.
En outre, dans le cas où le mineur devenu majeur dispose de l’ensemble de sa famille proche en France, en situation régulière, qu’il demeure effectivement à la charge de celle-ci et est engagé dans un parcours scolaire avec assiduité et sérieux, l’examen de la stabilité et l’intensité de ces liens familiaux sur le territoire pourra vous conduire à lui délivrer un titre de séjour, alors même qu’il serait entré sur le territoire après avoir atteint l’âge de seize ans.
Dans ces conditions, vous délivrerez une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».
Je vous rappelle en outre que vous pouvez délivre une autorisation provisoire de séjour et le cas échéant une autorisation provisoire de travail pour permettre à un étranger ne remplissant pas ces critères d’achever un cycle de scolarité (baccalauréat, BEP…)
Enfin, il vous est possible, dans une appréciation au cas par cas, de délivrer à un ressortissant étranger en situation irrégulière qui poursuit des études supérieures une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » en application de l’article L.313-7 du CESEDA. Vous retiendrez cette option dans les cas où le mineur devenu majeur ne pourrait pas attester que ses attaches privées et familiales se trouvent principalement en France, et où, scolarisé depuis au moins l’âge de 16 ans, il poursuit des études supérieures de manière assidue et sérieuse.
S’agissant du cas spécifique des mineurs étrangers isolés, je vous rappelle que les dispositions de l’article L.313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile vous permettent de délivrer une carte de séjour temporaire mention « salarié » ou « travailleur temporaire » à ceux qui, pris en charge par l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de 16 et de 18 ans, sont engagés dans une formation professionnelle qualifiante. Vous pourrez faire un usage bienveillant de ces dispositions, dès lors que le mineur étranger isolé a satisfait à l’ensemble des conditions prévues par cet article et que la qualité de son parcours de formation est de nature à lui permettre une insertion durable dans la société française.
En outre, en application de votre pouvoir discrétionnaire, vous pourrez délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant », sous réserve du respect des autres critères mentionnés à l’article L.313-15 du CESEDA, dès lors que le mineur étranger isolé poursuit des études secondaires ou universitaires avec assiduité et sérieux.
Enfin, vous n’opposerez pas systématiquement le critère tiré de la nature des liens avec le pays d’origine mentionné aux articles L.313-11 2° bis et L.313-15 du CESEDA si ces liens sont inexistants, ténus ou profondément dégradés.
Il vous est enfin rappelé les orientations de la circulaire INTV1224696C du 31 mai 2012 relative à l’accès au marché du travail des étudiants diplômés étrangers.
2.1.4 – Autres situations : l’admission au titre de motifs exceptionnels et de considérations humanitaires
Au titre des motifs exceptionnels et des considérations humanitaires, sauf menace à l’ordre public, vous pourrez délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », sur le fondement de l’article L.313-14 du CESEDA, à un étranger en situation irrégulière pouvant justifier :
- soit d’un talent exceptionnel ou des services rendus à la collectivité (par exemple dans les domaines culturel, sportif, associatif, civique ou économique) ;
- soit de circonstances humanitaire particulières justifiant la délivrance d’un titre de séjour.
En outre, je vous rappelle que si la résidence attestée en France est au moins égale à 10 ans vous devez saisir la commission du titre de séjour pour avis dans le souci d’un traitement équitable de l’ensemble des situations.
Enfin, je vous demande de porter la plus grande attention aux dispositions relatives à l’admission au séjour des personnes suivantes :
- les victimes de violences conjugales, qu’elles bénéficient ou non d’une ordonnance de protection, telles qu’elles figurent dans l’instruction IOCL1124524C du 9 septembre 2011 relative au droit au séjour des personnes victimes de violences conjugales et à la mise en œuvre des articles L.313-12, L.316-3 et L. 431-2 du CESEDA ;
- les victimes de la traite des êtres humains, telles qu’elles figurent dans l’instruction IMIM0900054C du 5 février 2009 relative aux conditions d’admission au séjour des étrangers victimes de la traite des êtres humains ou de proxénétisme coopérant avec les autorités administratives et judiciaires.
Dans ces deux situations, je vous rappelle que le premier titre délivré ne peut être qu’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » d’une durée d’un an.
S’agissant plus particulièrement des victimes de la traite des êtres humains, je tiens particulièrement au respect scrupuleux des dispositions de l’article R.316-2 du CESEDA. Je vous rappelle en particulier, dans le cadre de cette procédure, l’existence d’un délai de réflexion de trente jours, pendant lequel aucune mesure d’éloignement ne peut être prise ni exécutée, afin de permettre à un étranger susceptible d’être reconnu victime de faits de traite d’êtres humains de décider s’il se place, ou non, sous la protection des autorités judiciaires et dépose plainte à cet effet (CE, 15 juin 2012, n°339209, Mlle S.).
2.2. L’admission au séjour au titre du travail
2.2.1 – Principes d’éligibilité
En application de l’article L.313-14 du CESEDA, vous pourrez apprécier favorablement les demandes d’admission exceptionnelle au séjour au titre du travail, dès lors que l’étranger justifie :
- d’un contrat de travail ou d’une promesse d’embauche (formulaire CERFA n°13653*03) et de l’engagement de versement de la taxe versée au profit de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (formulaire CERFA n°13662*05) ;
- d’une ancienneté de travail de 8 mois, consécutifs ou non, sur les 24 derniers mois ou de 30 mois, consécutifs ou non, sur les 5 dernières années ;
- d’une ancienneté de séjour significative, qui ne pourra qu’exceptionnellement être inférieure à cinq années de présence effective en France.
Néanmoins, vous pourrez prendre en compte une ancienneté de séjour de trois ans en France dès lors que l’intéressé pourra attester d’une activité professionnelle de vingt-quatre mois dont huit, consécutifs ou non, dans les douze derniers mois.
Pour l’application de ces dispositions, il revient à l’étranger de démontrer la réalité et la durée de son activité professionnelle antérieure. Vous considérerez que les bulletins de salaire représentent une preuve certaine d’activité salariée, dès lors qu’ils attestent d’une activité au moins égale à un mi-temps mensuel. Pour mémoire, un employeur peut établir à tout moment, y compris rétroactivement, des bulletins de salaire.
Si un nombre significatif de bulletins de salaire, y compris au titre des chèques emploi service universels, est produit, vous pourrez accepter en complément d’autres modes de preuve de l’activité salariée (virements bancaires, le cas échéant corroborés par une attestation de l’employeur, par exemple).
Dans ces conditions, après visa du formulaire CERFA par le service de la main d’œuvre étrangère, l’un des deux titres de séjour suivants mentionnés à l’article L.313-10 du CESEDA sera délivré :
- une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » pour les contrats de travail d’une durée supérieure ou égale à douze mois ;
- une carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire » pour les contrats de travail d’une durée inférieure à douze mois.
2.2.2 Instruction de la demande d’autorisation de travail
Vous privilégierez les situations où l’étranger bénéficie d’un contrat à durée indéterminée. S’agissant toutefois de la prise en considération des contrats à durée déterminée, les services de mains d’œuvre étrangère s’assureront d’un engagement sérieux de l’employeur en ne retenant que les contrats d’une durée égale ou supérieure à six mois.
Le contrat de travail en cours pourra se poursuivre pendant la durée de l’instruction de la demande.
L’autorisation de travail sera accordée au vu des éléments d’appréciation figurant aux alinéas 2° à 6° de l’article R.5221-20 du code du travail. Pour l’application de la procédure d’admission exceptionnelle au séjour prévue par la présence circulaire, la situation de l’emploi ne sera pas opposée aux demandeurs qui remplissent l’ensemble de ces critères.
Le critère d’adéquation entre, d’une part, la qualification et l’expérience professionnelle de l’intéressé et, d’autre part, les caractéristiques de l’emploi qu’il souhaiterait occuper, doit être apprécié avec soin, à la lumière des emplois précédemment occupés ( cf. CAA Versailles, 29 décembre 2011, n°11VE00252, M. S.). Pour les emplois exigeant une faible qualification, ce critère doit être apprécié avec souplesse.
L’étranger peut, le cas échéant, se prévaloir de plusieurs contrats de travail pour justifier d’une rémunération au moins égale au salaire minimum de croissance (SMIC) mensuel.
Par dérogation au principe de territorialité des autorisations de travail, la carte de séjour temporaire délivrée dans un département de métropole, devra permettre à son titulaire d’exercer son activité en France métropolitaine.
Vous veillerez, à l’échéance de la durée de validité du titre, au respect des conditions de renouvellement de la carte de séjour temporaire en application des articles R.5221-35 et R.5221-36 du code du travail, en examinant notamment les bulletins de salaire et le niveau de rémunération qui vous seront présentés. Vous admettrez, lors du renouvellement, que l’étranger ait pu changer d’employeur sous réserve que le nouvel employeur demande une autorisation de travail et que les conditions de rémunération de l’emploi initial aient été respectées.
Il importe que les conditions de travail et de rémunération d’un ressortissant étranger soient semblables à celles d’un ressortissant national (cf. CAA Versailles, 27 mars 2012, n°10VE01951, M. S.). Vous refuserez le renouvellement de l’autorisation de travail si ces conditions ne sont pas remplies.
2.2.3 Cas particuliers
- a) Dans le cas où un étranger atteste d’une durée de présence particulièrement significative, de l’ordre de sept ans par exemple, et du versement effectif de salaires attestant une activité professionnelle égale ou supérieure à douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois dernières années, mais ne présente ni contrat de travail, ni promesse d’embauche, il vous est possible de lui délivrer un récépissé de carte de séjour temporaire « salarié » en vue de lui permettre de rechercher un emploi et l’autorisant à travailler. Ce récépissé ne sera renouvelable qu’une fois.
- b) Par ailleurs, vous pourrez prendre en compte la situation de l’étranger qui atteste d’une durée de présence qui ne peut être qu’exceptionnellement inférieure à cinq ans et qui participe depuis au moins douze mois aux activités d’économie solidaire portées par un organisme agréé au niveau national par l’État et régi par les dispositions de l’article L.265-1 du code de l’action sociale et des familles. L’étranger concerné devra exercer une activité au sein de cet organisme dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. S’il peut faire valoir un contrat de travail ou une promesse d’embauche, qui seront visés par le service de la main d’œuvre étrangère sans que lui soit opposée la situation de l’emploi, vous pourrez lui délivrer une carte de séjour temporaire salarié ou travailleur temporaire.
- c) Un étranger en situation irrégulière qui atteste d’une durée de présence qui ne peut être qu’exceptionnellement inférieure à cinq ans peut faire valoir l’exercice d’une activité professionnelle en tant qu’intérimaire.
Au titre du passé dans l’emploi, pourra être prise en compte une activité professionnelle sur une période de 24 mois précédant le dépôt de la demande d’admission exceptionnelle au séjour, dans l’intérim ou dans une autre activité salariée, attestée par des bulletins de salaire équivalant au total à au moins 12 SMIC mensuels et comportant au moins 910 heures de travail dans l’intérim.
Le nombre d’heures effectuées dans l’entreprise de travail temporaire (ETT) associée à la demande devra au moins atteindre 310 heures, le complément à 910 heures ayant pu être effectué dans d’autres entreprises.
La demande d’autorisation de travail doit prévoir une durée minimale d’emploi de douze mois, sous la forme :
- soit d’un CDI ou d’un CDD d’au moins 12 mois établi par l’entreprise utilisatrice ;
- soit de l’engagement d’une entreprise de travail temporaire (ETT) à fournir un volume de travail garantissant un cumul de missions de 8 mois de travail sur les 12 prochains mois, y compris par des contrats de mission-formation.
Dans ces conditions, vous délivrerez une carte de séjour temporaire mention « salarié ». Lors du renouvellement du titre de séjour, vous vérifierez le respect des engagements de l’entreprise de travail temporaire.
- d) Les demandes formulées par des étrangers qui présentent un cumul de contrats de faible durée, comme les employés à domicile, sous réserve de remplir les mêmes conditions de durée de séjour et d’ancienneté que ci-dessus, pourront être appréciées avec bienveillance, s’agissant de l’exigence d’une rémunération au moins égale au salaire minimum de croissance mensuel.
Sauf cas exceptionnels, dans toutes les situations susceptibles d’ouvrir une admission exceptionnelle au séjour par le travail, vous exigerez du demandeur une maîtrise orale élémentaire de la langue française.
- La justification de l’ancienneté de la résidence habituelle en France
Les pièces produites par le demandeur doivent constituer un faisceau d’indices suffisamment fiable et probant de nature à emporter votre intime conviction quant à la réalité de l’ancienneté de la résidence habituelle en France de l’intéressé (cf. CE, 28 juillet 2004, n°261772, M. B.).
Compte tenu de la sensibilité de cette question, il convient d’exercer de manière aussi homogène que possible votre pouvoir d’appréciation du caractère probant des pièces qui seront fournies. Les intéressés devront être invités à apporter par tous moyens la preuve de leur ancienneté de présence.
Afin de construire le faisceau d’indice qui fondera l’appréciation de vos services, vous vous appuierez sur la classification suivante, qui distingue les preuves de présence en fonction de leur degré de fiabilité, en veillant à en assurer la meilleure information préalable auprès des intéressés :
– constituent des preuves certaines les documents émanant d’une administration publique (préfecture, service social et sanitaire, établissement scolaire, juridiction, attestation d’inscription à l’aide médicale d’État, document URSAFF ou ASSEDIC, avis d’imposition sauf s’il n’indique aucun revenu perçu en France, factures de consultations hospitalières… (cf. CAA de Marseille, 10 juillet 2012, n°10MA02757,
- D.) ;
– présentent une valeur probante réelle les documents remis par une institution privée (bulletins de salaire, relevé bancaire présentant des mouvements, certificat médical de médecine de ville …) ;
– ont une valeur probante limitée les documents personnels (enveloppe avec adresse libellée au nom du demandeur du titre de séjour, attestation d’un proche … cf. CAA de Marseille, 21 février 2012, n°11MA03031, M. M. et CAA de Paris, 20 mars 2012, n°11PA01796, préfet de police c/D.)1.
Vous pourrez demander, le cas échéant, les originaux des pièces qui vous sont présentées.
Il vous est recommandé de considérer que deux preuves certaines par an attestent d’une présence en France. Toutefois, votre intime conviction sera fondée sur la cohérence du dossier qui vous est soumis. Ainsi, des preuves de valeur moindre mais en grand nombre et de nature différente peuvent-elles attester d’une présence réelle quand bien même l’intéressé ne pourrait présenter de preuve certaine sur l’année.
Pour mémoire, une absence de courte durée du territoire national peur ne pas faire obstacle à l’admission au séjour (cf. CE, 14 janvier 2002, n°224501, M. B., sur la continuité du séjour malgré la célébration d’un mariage hors de France et CE, 29 juillet 2002, n°241279, M. F., sur la tolérance d’une courte absence du territoire pour visiter un membre de famille malade ).
- Cas particuliers
4.1 – Les ressortissants tunisiens et algériens
Nonobstant le fait que les ressortissants algériens ne peuvent se prévaloir des dispositions du CESEDA fixant les conditions d’admission exceptionnelle au séjour et qu’ils ne rempliraient pas l’ensemble des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d’un titre de séjour au regard des stipulations de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 (cf. CE avis, 22 mars 2010, n°333679, M. D.), vous pouvez, en application de votre pouvoir général d’appréciation, décider d’admettre exceptionnellement au séjour ces ressortissants en vous inspirant des critères rappelés dans la présente circulaire.
1 Le juge administratif a retenu comme justificatifs de présence suffisants pour attester la résidence habituelle en France d’un étranger : les photocopies et originaux de coupons de transports hebdomadaires ou mensuels couvrant la quasi-totalité de la période des enveloppes, photos, carte d’étudiant de l’Alliance française, lettre de la CPAM, etc. (CAA Paris, 6e ch., 29 janv. 2008, n°07PA03107, El Sayed) ou encore des relevés bancaires faisant apparaître le versement de salaires, déclarations annuelles de salaires souscrite par une société d’intérim, des certificats de travail, des contrats de mission d’intérim, la production de nombreux documents médicaux, notamment des résultats d’analyses médicales et d’examen échographique (CAA Paris, 2e ch., 22 sept. 2010, n°09PA06673, Bokung).
De même, les ressortissants tunisiens soumis aux stipulations de l’accord franco-tunisien du 17 mars 1988 pourront se voir délivrer une CST « salarié » ou « travailleur temporaire » dans les conditions prévues par la présente circulaire, en application de votre pouvoir discrétionnaire d’appréciation (CE, avis, 2 mars 2012 n°355208, M. L.).
4.2 Les travailleurs saisonniers
Normalement les travailleurs saisonniers étrangers, à raison même de la nature de leur présence en France, n’ont pas vocation à bénéficier d’une admission exceptionnelle au séjour, la condition de résidence habituelle faisant défaut.
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Dans un souci de bonne gestion administrative des demande d’admission exceptionnelle au séjour, vous attacherez une importance particulière aux contacts réguliers avec les organisation syndicales, les organisations d’employeurs et les associations ou collectifs de défense des étrangers reconnus au plan local ou national.
Vous porterez une attention particulière et personnelle à la mise en œuvre du dispositif fixé par cette circulaire et vous voudrez bien m’informer de toute difficulté que vous rencontreriez dans son application. Un premier bilan sera adressé à la fin du mois de février.
Les services de la direction de l’immigration se tiennent à votre disposition pour vous apporter tout élément d’information complémentaire dont vous auriez besoin.
Je sais pouvoir compter sur votre engagement et celui de vos services dans cette tâche difficile.